L’invention du paratonnerre
Si la majorité des découvertes scientifiques se font en laboratoire, Benjamin Franklin est de ces génies prêts à galoper en plein orage pour tenter d’intercepter un éclair et prouver ses théories ! C’est d’autant plus improbable qu’en plus d’être un inventeur, Franklin était aussi un businessman accompli, un homme politique de premier plan et même l’un des Pères fondateurs des Etats-Unis !
Un siècle avant la naissance de Thomas Edison, Benjamin Franklin (1706 – 1790) se passionne pour l’électricité, et en particulier pour la foudre dont il est convaincu que c’est un phénomène électrique. Il entend bien le prouver et, en 1750, il rédige et publie un protocole de recherche devenu célèbre : l’expérience du cerf-volant.
1752 : l’expérience du cerf-volant
Franklin mène des expériences sur l’électricité, une notion encore balbutiante, depuis 1746. Notamment, il constate en 1749 que les éclairs produits par les orages ont beaucoup de similitudes avec les étincelles. Et entre autres propriétés, ils sont attirés par des pointes. Sur de son coup, Franklin songe déjà à des solutions pour protéger les gens et leurs habitations. Dès 1750 il imagine une tige de fer de 2,5 à 3 mètres de haut qu’il pense capable d’attirer le feu du ciel. Le principe du paratonnerre est né ! Il propose de se promener à cheval, sous un orage, en faisant voler un cerf-volant relié par un fil conducteur pour en extraire de l’électricité.
Malgré les moqueries de ses pairs qui jugent son protocole à la fois dangereux et farfelu, Franklin n’abandonne pas et réalise finalement son expérience en compagnie de son fil le 15 juin 1752. Mais l’homme n’étant ni fou ni suicidaire, il a entre-temps apporté quelques modifications à son expérimentation. En l’occurrence, au lieu de relier le cerf-volant par un fil de fer, il se contente d’une corde de chanvre qui est moins conductrice, au bout duquel il accroche un petit morceau de métal (une clé de porte d’un ami). La corde est ensuite reliée à une bouteille de Leyde, l’ancêtre du condensateur inventé en 1745, afin d’y emmagasiner de l’électricité. Quant à sa sécurité, il l’assure en reliant à l’anneau de la clé une autre corde, cette fois en soie (isolante) pour tenir le fameux cerf-volant tout en restant au sol, au sec, abrité sous une grange. Ce jour-là, le cerf-volant n’a pas été frappé par un éclair visible, ce qui aurait peut-être tué Franklin ou son fils malgré leurs précautions, mais le scientifique a compris que la bouteille de Leyde était chargée quand, passant sa main à proximité de la clé, il provoqua une étincelle.
L’invention du paratonnerre, une histoire controversée
Bien que les livres d’histoire aient retenu Benjamin Franklin comme l’inventeur du paratonnerre, quelques zones d’ombres subsistent. Si Franklin a indubitablement travaillé sur la foudre et tenté de prouver son caractère électrique, il ne serait pas le premier à l’avoir expérimenté. En l’occurrence, le 10 mai 1752 – soit quelques semaines avant la fameuse expérience du cerf-volant – le Français Thomas-François Dalibard prouve que Franklin a raison en plantant dans le sol une pique de 12 mètres orientée vers le ciel. Cette expérience est un succès car des éclairs sont attirés sur son prototype de paratonnerre. C’est d’ailleurs grâce à Dalibard que l’académie des sciences (française) finit par reconnaître les travaux de Franklin.
Quant à l’expérience de Franklin, a-t-elle vraiment été menée ? Selon les écrits, certains évoquent le 15 juin 1752, d’autres le mois de septembre de la même année. Franklin lui-même décrit son expérience dans l’édition du 19 octobre 1752 du Pennsylvania Gazette, mais sans préciser qu’il l’a réalisé lui-même ! Il faudra atteindre 15 ans, en 1767, pour qu’un certain Joseph Priestley, qui a beaucoup correspondu avec Franklin, publie un récit détaillé de la fameuse expérience. Près de trois siècles se sont écoulés depuis, il y a peu de chance qu’on en apprenne davantage sur le sujet. Et peu importe ! Que Franklin ait réalisé lui-même cette expérience ou non, c’est bien lui qui a poussé la communauté scientifique à penser que l’orage est un phénomène électrique et qu’un paratonnerre peut nous en protéger. D’ailleurs, l’histoire scientifique ne retient pas de Franklin que l’invention du paratonnerre. Comme nous l’avons vu, l’homme joue avec l’électricité dès 1746, après que son ami de longue date, le riche commerçant Peter Collinson, lui ait offert une de ces fameuses bouteilles de Leyden capable de stocker le « feu électrique ». C’est notamment à Franklin que l’on doit les termes positif (plus) et négatif (moins) pour décrire les charges électriques. C’est aussi lui qui a utilisé les termes charger et décharger au sujet de sa bouteille et il a aussi imaginé le mot batterie pour définir un ensemble de contenants capables de stocker plus d’énergie électrique qu’un seul !
Le paratonnerre imaginé par Franklin
L’extrait qui suit, qui ne souffre d’aucune ambiguïté, montre que Franklin avait imaginé le paratonnerre, même avant la moindre preuve par l’expérimentation. Ce passage provient d’Experiments and Observations on Electricity Made at Philadelphia in America, publié en 1751. Cet ouvrage est un recueil de lettres envoyées par Franklin à Collinson et qui relatent les multiples expériences électriques menées par cet homme exceptionnel au cours des années précédentes au laboratoire de la Library Company of Philadelphia : « Je dis, si ces choses se passent bien ainsi, que la connaissance du pouvoir des points (note : le fait que la foudre soit attirée par une pointe) soit utile à l’humanité pour préserver les maisons, les églises, les navires, etc. du coup de foudre, en nous ordonnant de fixer sur les parties les plus hautes de ces édifices, des tiges de fer dressées comme une aiguille et dorées pour empêcher la rouille, et du pied de ces tiges un fil de fer à l’extérieur du bâtiment dans le sol, ou en bas autour d’un des linceuls d’un navire, et le long de son flanc jusqu’à ce qu’il atteigne l’eau. Ces tiges pointues ne tireraient-elles probablement pas silencieusement le feu électrique d’un nuage avant qu’il ne s’approche suffisamment pour frapper, et ainsi nous protéger de ce méfait le plus soudain et le plus terrible ? »